Lorsque Nana Boakye-Yiadom, journaliste radio ghanéen, a mené son enquête sur la révolution des SMS dans les régions agricoles pauvres de son pays, il ne pensait pas que cette histoire allait également changer sa manière de penser ses enquêtes radio : « Quand mon rédacteur en chef m’a demandé de faire une version en ligne de mon reportage, je pensais simplement écrire un article à partir de ma matière sonore mais il m’a demandé d’inclure des données et de les rendre intelligibles ! »
À partir des informations et des données récoltées sur le terrain au fil de son enquête, il crée une carte interactive qui permet à l’auditeur d’aller explorer les différentes régions où il a mené son enquête. « Une visualisation simple de données complexes permet de rendre l’enquête plus facile à partager sur les réseaux sociaux et c’est ce que l’on recherche, non ? » Plus de visibilité et donc plus d’impact : “Phone farming”, l’enquête multimédia est récompensée du Prix du Journalisme du Ghana en 2014 et pousse les autorités à apporter certaines réponses et une aide concrète aux fermiers les plus pauvres du pays. « L’un des vrais challenges au Ghana est l’accès aux données elles-mêmes ! Souvent, les autorités ne souhaitent pas communiquer les informations mais nous trouvons désormais nos propres moyens d’accès aux données en nous tournant vers des ONG internationales par exemple ».
Pour Paul McNally, journaliste radio en Afrique du Sud, le journalisme de données démultiplie les possibilités pour l’enquête radio : « Si elles sont bien utilisées, les données permettent en réalité de faciliter les interactions avec les auditeurs ». Mais la radio doit faire face à un challenge majeur : « Dès que l’on transmet des informations compliquées, on perd les auditeurs beaucoup plus rapidement. Lorsque vous lisez un article complexe, vous pouvez toujours revenir au paragraphe précédent alors qu’en radio, le flux est continu et l’auditeur décroche. » En 2015 il lance « The Science Inside », un podcast qui vise à démocratiser les questions scientifiques. Le concept est simple : il s’appuie sur des données scientifiques qui viennent éclairer des aspects de la vie courante en Afrique du Sud et lance le débat entre un expert et un novice. Le projet cartonne : « C’est une vieille recette mais ça fonctionne très bien ! »
Paul McNally mise sur la radio comme moyen de toucher la plus vaste audience possible dans son pays. En Afrique du Sud, plus de 90% de la population écoute la radio et les radios locales ont un impact très fort sur les communautés.
Les données mêlées à une écriture narrative empruntée au documentaire rendent l’enquête accessible et intelligible : c’est le pari de Reveal, le premier podcast d’investigation américain. Pour Susanne Reber, à la tête du projet, il faut placer l’intrigue au cœur de l’enquête, ce qui amène à repenser l’écriture radio : « Les journalistes sont parfois déstabilisés quand je leur dis que je ne veux pas entendre l’information principale dès le début de l’épisode ! Il faut laisser le suspense s’installer ! »
Le podcast américain mise aussi sur l’interaction avec les auditeurs : c’est à eux de demander plus de données précises s’ils le souhaitent. L’équipe de Reveal essaie depuis peu un nouvel outil, Amplify, qui permet aux auditeurs de poser des questions par SMS tout en écoutant l’enquête afin de recevoir plus d’informations.
Adele Humbert is an investigative radio and data journalist based in Paris. She worked on the Paradise Papers at Radio France with the ICIJ. She previously investigated potential wrongful convictions at the Medill Justice Project in the United States and produced “Shaken” an award-winning long-form audio story.
Madelene Cronjé is an independent photographer based in Johannesburg, South Africa. Formerly a staff photographer at the Mail and Guardian, she specializes in photojournalism and editorial portraiture.